Toute l’eau de l’incendie, 12.
Ce n’était pas un rêve. Des flammes sont montées dans le ciel de la ville. En rêver toutes les nuits, ne penser qu’à ça. Ce n’était pas un rêve, la toiture a fondu, la flèche s’est écroulée. Et dans les rêves, la cathédrale flanche. Le matin avec douleur, aller aux nouvelles, la croire effondrée, les voûtes à ciel ouvert. Ce n’était pas un rêve, la pierre a éclaté, la charpente a brûlé. Les rêves au réveil semblent optimistes. Ce n’est pas un rêve, la cathédrale sans toit, la voûte transpercée, est toujours là, debout. Il s’invente en pensée, en dessins, d’autres usages, en projets 3D. Une piscine sur le toit. Une serre avec des ogives de verre. Elle sera reconstruite dans son dernier état connu. Autre chose, rêver, autre chose et pourtant, comme on l’aimait, vieille et séculaire. Je me réveille plusieurs fois dans la nuit, et le matin ma première pensée va à la toiture détruite de Notre-Dame. Pour éviter les répétitions, quelquefois j’ai envie d’écrire l’édifice, le bâtiment, le monument, mais ma main s’y refuse, comme si ces mots ne pouvaient pas, ne suffisaient pas à la décrire, comme si c’était la rabaisser, ne pas la nommer, presque lui faire injure. Et je sens dans cela toute l’intimité qui me lie à Notre-Dame, elle qui n’est pas seulement pour moi une cathédrale, mais « la » cathédrale, c’est Notre-Dame, il y a d’autres Notre-Dame mais elle c’est Notre-Dame tout court, c’est son nom propre, même pas Notre-Dame-de-Paris (qui désigne le roman de Victor Hugo), Notre-Dame tout court parce que je suis de Paris et c’est ma cathédrale.
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