Toute l’eau de l’incendie, 13.
La toiture détruite. J’ai vécu à Reims, un temps. J’étais guide-conférencière. Je ne sais combien de fois j’ai fait visiter la cathédrale de Reims, j’ai appris à connaître intimement ce monument, que je n’ai jamais appelé Notre-Dame, qui ne sera jamais pour moi Notre-Dame, bien que ce soit aussi son nom. Elle fut délibérément bombardée pendant toute la première guerre mondiale, depuis la ligne de front qui passait à proximité. Le 19 septembre 1914, un feu prit sur l’échafaudage qui montait le long de la tour nord. Toute la toiture, toute la charpente furent détruites, et la pierre éclata, ravageant les visages de l’Ange au sourire et des autres statues. J’ai souvent imaginé le plomb en fusion dégobillant par les gargouilles, mais je l’imaginais mal, je l’imaginais noir, comme du mazout liquide, avec des reflets gris. J’en ai parlé à ma mère et à ma fille, deux mois avant l’incendie, lorsque nous sommes montées sur les tours de Notre-Dame, et la première nuit, celle de l’incendie, cette image de cauchemar est revenue. Les photos et les vidéos montraient du jaune et du rouge dans la nuit, je n’y voyais que bois brûlant, mais bien sûr le plomb devient jaune en fondant, et si je les scrute aujourd’hui, je distingue le lingot brillant de la toiture en feu, cependant que les gargouilles de mon imagination vomissent toujours un liquide noir et visqueux.
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