Au coin de Gasquy, prologue
Chronique d’un coin de ville, décembre 2023 – juin 2024
Mercredi 29 novembre 2023
Ils sont six. Hauts, grands, larges de ramure et ensemble ils forment, à l’angle de deux rues à forte circulation, une respiration. S’élevant au-dessus d’un vilain mur de pierre, très au-dessus, très hauts, leur feuillage appelle une pause dans la frénésie du rythme quotidien.
La présence de leurs troncs tachetés, taillés pour s’épanouir sur les quatre côtés, est une pause dans la densité de la ville. L’une des rues a une forte pente et lorsqu’on atteint le feu rouge au sommet, au moment de traverser, ils sont là qui m’attendent. Je les salue toujours, verts ou les branches nues, ou comme cette saison, plus beaux d’automne que les autres automnes.
En face déjà la bastide a cédé, à sa place un immeuble gris avec des a-plats blancs et des balcons profonds, un seul arbre est resté, devant, pour le principe, ou pour obéir peut-être à un timide règlement qui interdit de tout couper.
Je les salue, les six platanes, vestiges peut-être d’un parc qui jadis bordait la grande bâtisse, altière et délabrée, grise, au volet branlant d’où filtre de temps en temps un rai de lumière. Au pied des six platanes, quand la plaque de tôle qui sert de portail est un moment ouverte, le rare passant peut apercevoir des voitures en tous genres, des pneus, des bagnoles en bataille, des engins de dépannage. C’est un parking étrange, un jardin de passages, de trafics je ne sais pas lesquels, rarement des épaves, sûrement des occasions.
Je salue les platanes et je tais mon inquiétude de les voir un jour remplacés par un programme immobilier, comme ils disent. À l’angle, un panneau publicitaire étale entre eux et moi une bande de laideur.
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