À pareille heure

Hier à pareille heure

Je montais la via Santa Maria di Costantinopoli, j’apercevais au bout l’angle du musée, sa couleur bourbonienne, je m’arrêtais prendre des billets de bus chez un tabacchaio et j’allais attendre l’un des numéros (le 168, ou le 178, ou le 204, finalement ce fut le C 63) qui nous monterait, par la via Santa Teresa degli Scalzi, jusqu’aux catacombes de saint Janvier.

Lundi à pareille heure

Nous sommes parties plus tard. Nous étions encore aux tartines. Il pleuvait. Nous traversions à pied la cour de l’hôtel, ancien palais nobiliaire dont les murs blancs et gris s’élançaient vers un ciel barré d’un cône de plastique pour protéger des intempéries les touristes, les fauteuils en rotin et leurs coussins de couleurs vives. Dans la partie restée exposée au ciel, une voile était tendue qui permettait passage au sec entre la porte de la réception et les salles du petit-déjeuner éclairées par de hautes fenêtres sur la cour. Dans la première, autour du buffet abondant étaient disposées des tables aux chaises hautes, et dans la seconde, c’étaient des tables plus basses, des sets en forme de larme, des couverts, du sucre, du sel, et un petit pot contenant des craies de couleur.
Les ardoises aux murs ne portaient que des banalités dans les langues de l’Europe, merci, vive Naples, la ville de provenance ou le prénom. J’ai rêvé y écrire ce vers : « Rends-moi le Pausilippe et la mer d’Italie, la fleur qui plaisait tant à mon cœur désolé, et la treille où le pampre à la rose s’allie ». Et puis, de Leopardi : « Sempre caro mi fu qu’est’ermo colle, E questa siepe, che da tanta parte, Dell’ultimo orizzonte il guardo esclude. »
Lundi plus tard, nous verrons sa tombe, près de celle de Virgile.

Dimanche à pareille heure

Nous avions hésité, et finalement trouvé, derrière Sainte-Marie-Madeleine d’Atrani, le chemin qui s’enfonçait et remontait la vallée, grâce à un monsieur ravi d’échanger quelques mots en français – d’habitude il ne parlait plus qu’à ses citrons. Nous longions le torrent bruyant, sous un ciel gris encore, pour atteindre Ravello, tout là-haut. M. regrettait de n’avoir pas trouvé son chemin préféré, mais quand au retour nous le descendrions (rien que des escaliers !) nous bénirions les dieux de nous en avoir épargné la montée. Le lendemain mal de mollet.

Samedi à pareille heure

Sur le site de Paestum, devant le temple d’Athéna, il faisait gris et dans l’herbe humide, des milliers de petites fleurs blanches préparaient déjà le printemps. Une colonne dorique, échappée du péristyle, se dressait isolée, laissée pour compte, reléguée. Tous les regards vont au temple, périptère distyle in antis, sans reconnaître, dans l’amas de pierres qui en prolonge l’axe, l’autel où se répandait le sang des brebis, d’abord assommées sous leurs bandelettes, et qui finissaient en ragoût.
Notre temps a chassé le sacré des abattoirs. Nous mangeons de la viande toute l’année. Pourquoi le grand temple d’Héra, là bas, est-il pourvu de deux autels ?

Vendredi à pareille heure

Nous entrions dans le Duomo derrière un groupe de lycéens. Dans la basilique de Sainte Restitute, la mosaïque du bout, à gauche, avec sa vierge couronnée d’or, de pierres et d’étoiles, et de l’autre côté, l’un des plus anciens baptistères de la chrétienté. Des oiseaux multicolores occupent la coupole.

Jeudi à pareille heure

La campagne était verte, et tendre, blanchie de givre, sur la route de l’aéroport.

Photos Anne-Marie Passaret

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