Toute l’eau de l’incendie, prologue
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Texte mis en ligne sur ce site par chapitres, du 1er décembre 2024 à début janvier 2025, quotidiennement sauf le mercredi. Les abonnés reçoivent les publications par e-mail.
Paris reste ma ville. Au début, à chacun de mes retours j’allais constater le désastre, puis les palissades, puis l’avancée des travaux, puis j’ai arrêté de venir à chaque fois. J’ai laissé faire. Je ne voulais plus ni voir ni savoir. Au printemps dernier, une exposition à la crypte archéologique m’a ramenée sur l’île de la Cité. J’ai levé les yeux vers les tours de Notre-Dame, par réflexe, à peine, avant de descendre les marches de la crypte jusqu’au niveau du sol de Lutèce, plusieurs mètres au-dessous du parvis actuel. Attirée par la présentation qu’en avait faite à la radio Sylvie Robin, commissaire de l’exposition, je venais voir « Dans la Seine, objets trouvés de la préhistoire à nos jours ». J’ai fréquenté ce lieu à l’époque de mes études, je ne suis pas sûre d’y être revenue depuis, et l’amie avec qui j’avais rendez-vous ne le connaissait pas. Nous avons pourtant appris l’histoire dans les mêmes salles et les mêmes amphis.
Je savais comme tout le monde que la flèche était refaite, qu’elle commençait à se dégager de ses échafaudages. Cinq ans après l’incendie, je n’éprouvais ni hâte, ni émotion particulière à l’idée de pouvoir retourner dans la cathédrale d’ici la fin de l’année. Je dus même constater en moi une absence de curiosité, une curieuse absence, presque douloureuse car tout devrait me porter à me passionner pour ce chantier, des promenades de mon enfance à ma profession, de mes centres d’intérêt à mes amitiés. Un obstacle s’interposait entre moi et l’intérêt que la réparation de Notre-Dame aurait dû éveiller dans mon esprit ou dans mon cœur. Ce texte est né le 13 avril 2024 de cette interrogation, de la tentative de comprendre mon sentiment et d’en remonter à la source. Quelques mois plus tard, un nouvel événement me donnerait une clé.
J’étais en train de reprendre mes carnets écrits juste après l’incendie quand, le 9 juin au soir, le président de la République a dissous l’Assemblée nationale. Les électeurs n’avaient pas voté selon son souhait. Il en disposait comme d’un jouet que dans un caprice il cassait, alors que les chiffres des derniers bureaux de vote étaient à peine comptabilisés.
De même, le 15 avril 2019, le feu n’était pas maîtrisé que le chef de l’État criait déjà au chantier. Et que mon malaise commençait.
à suivre…
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