30. Lubrizol

Toute l’eau de l’incendie, 30.

Texte complet

Le 26 septembre 2019 au matin, l’usine Lubrizol de Rouen, qui fabrique des additifs pour lubrifiants, carburants et peintures, prend feu. Un panache de fumée toxique s’élève de l’établissement classé Seveso « seuil haut ». Une pluie noire s’abat sur les environs, à plusieurs dizaines de kilomètres à la ronde, l’air est irrespirable. La Seine reçoit des boues d’hydrocarbure. L’usine continue de brûler. Elle sera détruite en entier.

À 11h58. En pleine édition spéciale, les chaînes d’info reçoivent une autre info : Jacques Chirac est mort. Une autre journée commence, et c’est comme si l’incendie était déjà éteint, était oublié, n’avait pas eu lieu. La journée de centaines de milliers de personnes touchées par les retombées de l’incendie, elle, se poursuit. Dans le silence radio. Pendant des heures, les chaînes d’info ne consacrent plus un mot, plus une image, même pas un bandeau à la catastrophe écologique en cours*.

L’histoire a parfois de ces raccourcis. Toute mon enfance et mon adolescence, Chirac était le maire de Paris. Il promettait qu’il se baignerait dans trois ans dans la Seine. Et puis l’année d’après, il recommençait (de promettre). Je ne crois pas qu’il l’ait jamais fait (se baigner). Il meurt le jour où l’activité humaine inflige au fleuve une nouvelle blessure, une blessure majeure. Qu’importe que ce soit en aval, le fleuve est le fleuve, et mon histoire familiale le traverse autant à Tancarville qu’au Pont au Double, qu’au pont de Conflans (aujourd’hui Nelson Mandela).

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