Je ne connais pas Marseille, de Danièle Godard-Livet

Qu’on y arrive en voiture par un tunnel routier encombré ou par la gare en haut des immenses escaliers, Marseille ne se donne pas. Jamais. Impossible à comprendre. trop dense, trop touffue.

Un ami habitait un joli petit immeuble près du Pharo. C’est lui que j’allais voir. De son balcon on voyait le vieux port, la mer et un parc paisible. En bas, une jolie promenade, une plage et le cercle des nageurs de Marseille. Pourtant je m’y sentais prise comme dans une nasse à l’avant-scène d’une ville écrasante, avec la mer comme seule issue.

Comme si des milliers d’yeux me regardaient de La Castellane, Félix Pyat, Frais Vallon, La Solidarité, Kallisté, Les Lauriers, Les Oliviers, Air Bel, La Busserine, Le Mail, Font-Vert, Bassens, La Savine, Les Rosiers , La Marine Bleue. C’est ici les quartiers nord ? De jolis noms pour des quartiers faits de barres d’immeubles entre autoroutes et jardins pelés. D’en haut, on voit toujours la mer. En bas, la police.

Pourquoi tu me fais si peur Marseille ? J’ai trop regardé de séries, j’ai trop lu IZZO, j’ai trop écouté de rap. Je n’ai plus envie d’y aller. J’étais garée près du Pharo quand on a forcé ma voiture. C’est comme ça. Je n’ai pas envie d’y retourner.

J’ai vu les calanques de loin (impossible de se garer), Niolon aussi (pareil). Cela m’a fait rêver, mais je n’ai pas envie d’y retourner. Tu sais ce que j’aimerais voir, c’est le canal du Rove. Il est définitivement fermé. Tu sais ce que j’aurais aimé voir c’est le pont transbordeur au-dessus du vieux port. Il n’existe plus.

Je préfère l’étang de Berre, Martigues et Port-Saint-Louis du Rhône. Je ne connais pas Marseille.

Un texte de Danièle Godard-Livet

https://www.lesmotsjustes.org

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