Toute l’eau de l’incendie, 26.
Le train s’arrête gare de Lyon, il est plus de dix heures du soir, mais c’est la fin du mois de juin. Il fait encore jour quand le métro sort de terre, après la station Bercy. Je ne suis pas revenue à Paris depuis quatre ou cinq mois. Le métro sort de terre et s’engage sur le pont qui traverse la Seine. Alors seulement je pense à Notre-Dame. Car sur ce pont, toujours, je salue mon arrivée en tournant le regard vers la vision fugace du chevet de la cathédrale, sur son île, à distance, sans le formaliser j’en ai fait une sorte de rituel réflexe, pour le plaisir, pour la beauté, et ce soir comme je suis très fatiguée, comme j’ai eu l’esprit occupé par toutes sortes d’occupations, je n’y pense qu’une fois sur le pont, au fait, à ce qui est arrivé à Notre-Dame, et j’ai juste le temps de tourner la tête avant que les deux tours grises, sur le ciel laiteux dans la lumière baissante, passent sur mon regard et disparaissent, me laissant une première expérience fugace de la cathédrale depuis l’incendie, deux tours grises sur un ciel laiteux, c’est vrai, avant il y avait cette flèche noire qui s’élançait, avec l’élégance de cet élan noir et pointu, avant, si je ne le savais pas l’aurais-je remarqué ? Je ne crois pas. L’image a été rapide, mais je le sais et je l’ai vu. Le lendemain je pars en Normandie mais à mon retour à Paris, j’irai voir Notre-Dame de plus près.
On arrive par le pont par le chevet. On sait, mais de voir, c’est saisissant. On fait le tour du chevet, on se recule un peu, on se rapproche, square Jean XXIII, rue du cloître Notre-Dame. Ce n’est plus qu’un gros bâtiment moche en travaux, avec de gros pansements autour des fenêtres sans vitraux. La lumière est très belle et la façade l’est encore aussi. On n’a jamais regardé Notre-Dame avec cette attention-là, avec cette sollicitude. De grosses structures en bois reposent sur le sol. Des renforts sont disposé devant les rosaces et des filets sont tendus. La palissade est couleur crème. Un homme en orange passe. Sur le parvis, au pied d’une grue, je remarque un dépôt lapidaire et grue sur le parvis. Un certain calme règne sur le quartier les passants parlent d’une voix plus basse qu’un touriste ordinaire. L’accordéon est quand même là. La crypte archéologique est fermée. C’est vrai, la dernière fois qu’on était à Paris, on est montés là – l’œil cherche la tour – on a acheté une crêpe à cette roulotte-là – qu’on avait oubliée. Au nord les fleurons des pinacles sont plus abîmés que côté berge. On traverse la Seine et on reste sur le quai, indécis.
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